Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/455

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rompre une minute, pour souffler. Et elle se trouva, le cerveau vide, le cœur à sec. Elle leva les yeux vers la Madone penchée au-dessus d’elle, et elle se rappela l’autre, celle qui était son portrait. Elle ne pensa pas un instant à l’impiété du rapprochement. Elle lui parla, d’égale à égale, comme à son image dans le miroir. Elle lui dit :

— « Je veux. Je veux. »

comme si elle était à la place de l’autre, sur le piédestal. Mais l’autre restait triste et résignée, les mains ouvertes… Elle ne voulait pas.,. Sylvie, en bas, grondait, et la rage lui montait. Elle reprit son marmonnement précipité ; elle le martelait :

— « Il vit. Il vit… »

Elle essaya de corrompre Dieu. Elle lui offrit une somme d’argent, — et puis, des choses insensées : des obligations de piété, ou sans piété, des corvées physiques et morales, qui ne rimaient à rien, des pensums et des tourments incongrus… Qu’est-ce que Dieu pouvait bien en faire ?… Elle en eut l’impression, et elle dit :

— « Mais est-ce que je sais ? Dis, toi ! Je ferai tout ce que tu voudras. »

Et elle s’enfonça dans un abîme d’humilité commandée. Mais elle touchait le sol, d’une seule tombée ; et l’abîme n’allait pas bien loin. Elle se retrouvait devant son âme sèche, son moi brûlant qui ne savait pas s’oublier ; et elle les grattait, avec ses ongles, pour en faire jaillir un flot de foi, qui atteignît au visage Celui qui dort, Celui qui peut et qui ne veut pas, — et que le flot le forçât à vouloir selon sa volonté. Rien ne jaillit. Et Celui qui dormait, dormit…

Il ne dormait pas… Sylvie sentit qu’il la guettait entre ses paupières… Et brusquement, elle reçut un coup de tonnerre…