Page:Rolland - L’Âme enchantée, tome 6.djvu/507

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satisfaire. Mais elle ne se dépouillait point sans déchirement. Et elle voulait que Annette appréciât le sacrifice qu’elle lui faisait. Elle ne l’eût fait à aucune autre. Annette savait et appréciait. Ce sacrifice, elle, elle ne l’eût fait à personne. Pas même (elle se l’avouait en ce moment), si le bien de l’enfant l’eût exigé. Elles étaient bien faites pour se comprendre à demi-mot, les deux passionnées !

La veille au soir du départ, la dernière nuit, Assia, reprise d’un violent accès de désespoir, cria qu’elle ne voulait plus du nouveau mariage, qu’elle ne voulait plus quitter son Marc, qu’elle voulait rester, avec Annette, à le garder… Annette lui dit :

— « Va, ma fille ! Va te battre ! C’est pour Marc. Combats pour lui, pour ce qu’il a voulu, pour ce qu’il n’a pas pu ! Pour notre cause ! »

Assia tressaillit. Elle saisit les deux bras d’Annette :

— « Pour notre cause ? Vous en êtes donc ? »

Annette inclina la tête :

— « Je suis avec notre Marc. Marc est en moi. Les lois du monde sont renversées. Je l’ai enfanté. Et c’est lui qui m’enfante à son tour… »

Assia l’étreignit :

— « Mère de mon Marc ! Fille de mon Marc !… Tout ce qui me reste de mon foyer !… »

— « Et n’oublie pas ta petite flamme, — ton Vania ! »

— « Gardez-la moi entre vos mains ! »

— « Je la garde, et je te garde… Va, ma fille, quoi qu’on devienne toutes les deux, tu trouveras toujours en moi la gardienne du foyer, pour t’accueillir et te défendre, s’il le fallait, contre le monde entier. »

— « Le monde n’est rien, et je m’en charge », dit Assia. « Défendez-moi contre moi-même. Je serai votre bras. Soyez mon cœur ! »