sa force — lui soufflaient que, dans ce grand corps d’une vigoureuse communauté, son individualisme ne s’en trouverait que plus au large, et qu’il saurait bien le remplir tout.
Il demanda à George, qui les ignorait, de l’éclairer sur les théories Marxistes et sur leur application en Soviétie. George se mit sérieusement à les étudier, et elle y prit de l’intérêt. Elle avait trop de jovial bon sens et de scepticisme français, pour s’enrôler dans une cause politique aussi extrême ; mais d’autre part, elle était complètement détachée de tous les risques que n’importe quel bouleversement social pouvait faire courir à elle et aux siens, — surtout au « sien », à son avoir. Les risques font la moitié du plaisir qu’on goûte à vivre. Elle commença tranquillement à traduire de l’allemand, et puis du russe qu’elle apprit, pour son plaisir et celui de Vania, une série de brochures subversives, qu’on lui proposa d’éditer et qui firent sursauter ses parents et amis bourgeois. Elle se fit une réputation de propagandiste de Moscou. Elle n’en rit que mieux. À ceux qui l’excommuniaient, à ceux qui l’annexaient, elle faisait la nique, également. Elle restait libre et au repos dans le sans-repos, dans l’incertain, dans l’ « Advienne que pourra ! » — et sans l’étai du : « Fais ce que dois ! » de monsieur son père… « Pauvre papa !… » Lui qui risquait, délibérément, pour ses opinions, beaucoup plus que sa fille, il avait toujours besoin de se cramponner à un « devoir », à une ombre d’absolu, une survivance de sa foi religieuse défunte. Il ne pouvait comprendre que sa fille circulât, fraîche et allègre, dans le changement perpétuel, dans le fluide et le relatif de ces temps, comme un poisson dans une rivière…
— « Au jour le jour ! Je m’accommode à tous les jours. Et s’ils m’apportent le : « Patatras ! », je saurai