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LES PRÉCURSEURS

de la plaine, il faut bien l’espérer… » — « I’ faut pas s’mêler des affaires des autres. » — « Si, il le faut, parce que ce que tu appelles les autres, c’est les mêmes. »

… — « Pourquoi faire la guerre ? » — « Pourquoi, on n’en sait rien ; mais pour qui, on peut le dire… Pour le plaisir de quelques-uns qu’on pourrait compter… »

Et ils les comptent : « les guerriers, les puissants héréditaires ; ceux qui disent : « les races se haïssent », et ceux qui disent : « j’engraisse de la guerre, et mon ventre en mûrit » ; et ceux qui disent : « la guerre a toujours été, donc elle sera toujours » ; et ceux qui disent : « baissez la tête, et croyez en Dieu »… ; les brandisseurs de sabres, les profiteurs, les monstrueux intéressés, « ceux qui s’enfoncent dans le passé, les traditionnalistes, pour qui un abus a force de loi parce qu’il s’est éternisé… », etc.

— « Ce sont vos ennemis autant que le sont aujourd’hui ces soldats allemands qui gisent ici entre vous, et qui ne sont que de pauvres dupes odieusement trompées et abruties, des animaux domestiqués… Ce sont vos ennemis, quel que soit l’endroit où ils sont nés et la façon dont se prononce leur nom et la langue dans laquelle ils mentent. Regardez-les dans le ciel et sur la terre ! Regardez-les partout ! Reconnaissez-les une bonne fois, et souvenez-vous à jamais ! »

Ainsi clament ces armées. Et le livre se clôt sur l’espoir et le serment muet de l’entente des peuples, tandis que le ciel noir s’ouvre et qu’un rayon tranquille tombe sur la plaine inondée.

Un rayon de soleil ne fait pas le ciel clair ; et la voix d’un soldat n’est pas celle d’une armée. Les armées d’aujourd’hui sont des nations, où sans doute s’entre-