Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/171

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
167
LES PRÉCURSEURS


II


Dans un précédent article, nous avons vu avec quelle énergie G.-F. Nicolaï condamnait le non-sens de la guerre et des sophismes qui lui servent d’étais. — Cependant, la sinistre folie a triomphé. Ce fut, en 1914, la faillite de la raison. Et, d’une nation à l’autre, elle s’est étendue, depuis, à tous les peuples de la terre. Il ne manquait pourtant pas de morales et de religions constituées, qui auraient dû opposer leur barrière à cette contagion de meurtre et d’imbécillité. Mais toutes les morales, toutes les religions existantes se sont révélées tristement, totalement insuffisantes. Nous l’avons constaté pour le christianisme, et Nicolaï montre, après Tolstoï, que le bouddhisme n’a pas mieux résisté.

Pour le christianisme, son abdication ne date pas d’hier. Depuis la grande compromission des temps de Constantin, au quatrième siècle, qui fit de l’Église du Christ une Église d’État, la pensée essentielle du Christ a été trahie par ses représentants officiels et livrée à César. Ce n’est que chez les libres personnalités religieuses, dont la plupart furent taxées d’hérésie, qu’elle se conserva (relativement) jusqu’à nous. Mais ses derniers défenseurs viennent de la renier. Les sectes chrétiennes qui toujours refusèrent le service militaire, comme les Mennonites en Allemagne, les Doukhobors en Russie, les Pauliciens, les Nazarénens, etc., participent à la guerre actuelle[1]. « Le fondateur des Mennonites, Menno Simonis, au seizième siècle, avait interdit la guerre et la vengeance. Encore en 1813, la force morale de la secte était si grande que York, par rescrit du 18 février, la dispensa de la landwear. Mais en 1915, le prédicateur mennonite de Dantzig, H.-H.

  1. Voir la note à la fin du volume.