Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
184
LES PRÉCURSEURS

ses idées. Il vaut comme stimulant et comme tonique moral. Il éveille et il délivre. Les âmes se grouperont autour de lui, parce qu’en ces ténèbres du monde où elles errent incertaines et glacées, il est un foyer de joie et de chaud optimisme. Ce prisonnier, ce condamné, sourit au spectacle de la force qui croit l’avoir vaincu, de la réaction déchaînée, de la déraison qui foule aux pieds ce qu’il sait juste et vrai. Précisément parce que sa foi est insultée, il veut la proclamer. « Précisément parce que c’est la guerre, il veut écrire un livre de paix. » Et, pensant à ses frères de croyance, plus faibles et plus brisés, il leur dédie cette œuvre, « afin de les convaincre que cette guerre qui les épouvante n’est qu’un phénomène passager sur terre et que cela ne mérite pas qu’on le prenne trop au sérieux. » Il parle, afin de « communiquer aux hommes bons et justes sa triomphante sécurité (um den guten und gerechten Menschen meine triumphierende Sicherheit zu geben). »[1]

Qu’il nous soit un modèle ! Que la petite troupe persécutée de ceux qui refusent de s’associer à la haine, et que poursuit la haine, soit toujours réchauffée par cette joie intérieure ! Rien ne peut la leur enlever. Rien ne peut les atteindre. Car ils sont, dans l’horreur et les hontes du présent, les contemporains de l’avenir.


15 octobre 1917.


(Revue : Demain, Genève, novembre 1917.)
  1. Introduction, p. 12.