Page:Rolland - Les Précurseurs.djvu/38

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

V

Une voix de femme dans la mêlée[1]

Une femme compatissante et qui ose le paraître, — une femme qui ose avouer son horreur pour la guerre, sa pitié pour les victimes, — pour toutes les victimes, — qui refuse de mêler sa voix au chœur des passions meurtrières, une femme vraiment française, qui n’est pas « Cornélienne » … Quel soulagement !

Je ne voudrais rien dire qui pût blesser de pauvres âmes meurtries. Je sais toute la douleur, la tendresse refoulées qui se cachent, chez des milliers de femmes, sous l’armure d’une obstination exaltée. Elles se raidissent, pour ne pas tomber. Elles marchent, elles parlent, elles rient, avec le flanc ouvert et le sang de leur cœur qui coule. Mais il n’est pas besoin d’être grand prophète pour dire que l’époque est proche où elles rejetteront cette contrainte inhumaine et où le monde, gorgé d’héroïsme sanglant, en criera son dégoût et son exécration.

Nous sommes déformés depuis notre enfance par une éducation d’État, qui nous sert en pâture un idéal oratoire artificieusement découpé dans des lambeaux de la vaste pensée antique et réchauffé par le génie de Corneille et la gloire de la Révolution. Idéal qui sacrifie

  1. Introduction au volume de Mme Marcelle Capy : Une voix de femme dans la mêlée, Ollendorff.

    Les passages en italique ont été supprimés par la censure du temps.