Page:Rolland - Mahatma Gandhi.djvu/193

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trueuse quantité de chair, jusqu’au jour où l’homme est devenu le conquérant du monde brutal. Le jour viendra où le frêle homme de cœur, complètement dégagé de l’armure, prouvera que ce sont les doux qui héritent de la terre. Il est donc logique que Mahâtmâ Gandhi, de corps débile et dénué de toutes ressources matérielles, évoque l’immense pouvoir des doux et humbles, qui attend caché dans le cœur de l’humanité de l’Inde outragée et destituée. Les destinées de l’Inde ont choisi pour allié Nârâyana, et non Nârâyani-senâ, la puissance de l’âme, et non celle du muscle. Elle doit élever l’histoire humaine, du niveau fangeux de la mêlée matérielle aux cimes des batailles de l’esprit… Quoique nous puissions nous abuser, avec les phrases apprises de l’Occident, le Swarâj (Home Rule) n’est pas notre but. Notre combat est un combat spirituel. C’est un combat pour l’Homme. Nous devons émanciper l’Homme des réseaux qu’il a tissés autour de lui, de ces organisations d’Égoïsme national. Il nous faut persuader au papillon que la liberté du ciel vaut plus que l’abri du cocon… Nous n’avons pas de terme pour Nation, dans notre langue. Quand nous empruntons ce mot aux autres peuples, il ne nous va point, car nous devons nous liguer avec Nârâyana, l’Être suprême ; et notre victoire ne nous donnera rien d’autre que la victoire pour le monde de Dieu… Si nous pouvons défier les forts, les riches, les armés, en révélant du monde la puissance de l’esprit immortel, tout le château du géant Chair s’effondrera dans le vide. Et alors, l’Homme trouvera le vrai Swarâj. Nous, les gueux déguenillés de l’Orient, nous conquerrons la liberté pour toute l’Humanité… »