Page:Rolland - Mahatma Gandhi.djvu/196

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que le nôtre. Vivant d’une heure, nous entendons dans l’Inde le tambour de Çiva, « le Maître-Danseur, qui voile son regard dévorant et maîtrise ses pas pour sauver l’univers du retour à l’abîme… »[1]

Les Realpolitiker de la violence (révolutionnaire ou réactionnaire) se raillent de cette foi ; et ils montrent ainsi leur ignorance des réalités profondes. Qu’ils se raillent ! J’ai cette foi. Je la vois bafouée ou persécutée en Europe ; et, dans mon propre pays, nous sommes une poignée… (Sommes-nous même une poignée ?…) Mais quand je serais seul à croire, que m’importe ? Le propre de la foi est — loin de nier l’hostilité du monde — de la voir et de croire, — contre elle : c’est encore mieux ! Car la foi est un combat. Et notre Non-violence est le plus rude combat. Le chemin de la paix n’est pas celui de la faiblesse. Nous sommes moins ennemis de la violence que de la faiblesse. Rien ne vaut sans la force : ni le mal ni le bien. Et mieux vaut le mal entier que le bien émasculé. Le pacifisme geignant est mortel à la paix :

  1. Extrait de la plus antique invocation à Çiva, dans la pièce Mudrâ-Râkshasa par Vishâkhadatta.