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du contrat social

Telle est la religion des Lamas, telle est celle des Japonais, tel est le christianisme romain. On peut appeler celui-ci la religion du prêtre. Il en résulte une sorte de droit mixte et insociable qui n’a point de nom.

A considérer politiquement ces trois sortes de religions, elles ont toutes leurs défauts. La troisième est si évidemment mauvaise que c’est perdre le temps de s’amuser à le démontrer. Tout ce qui rompt l’unité sociale ne vaut rien ; toutes les institutions qui mettent l’homme en contradiction avec lui-même ne valent rien.

Reste la religion de l’homme ou le christianisme, non pas celui d’aujourd’hui, mais celui de l’Evangile, qui en est tout à fait différent. Par cette religion sainte, sublime, véritable, les hommes, enfants du même Dieu, se reconnaissent tous pour frères ; et la société qui les unit ne se dissout pas, même à la mort.

Mais cette religion, n’ayant nulle relation particulière avec le corps politique, laisse aux lois la seule force qu’elles tirent d’elles-mêmes sans leur en ajouter aucune autre ; et, par là, un des grands biens de la société particulière reste sans effet. Bien plus, loin d’attacher les cœurs des citoyens à l’état, elle les en détache comme de toutes les choses de la terre. Je ne connais rien de plus contraire à l’esprit social.

Le christianisme est une religion toute spirituelle, occupée uniquement des choses du ciel ; la patrie du chrétien n’est pas de ce