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émile

tissement, gêne et contrainte. L’homme civil naît, vit et meurt dans l’esclavage : à sa naissance on le coud dans un maillot ; à sa mort on le cloue dans une bière : tant qu’il garde la figure humaine, il est enchaîné par nos institutions.

Observez la nature, et suivez la route qu’elle vous trace. Elle exerce continuellement les enfants ; elle endurcit leur tempérament par des épreuves de toute espèce ; elle leur apprend de bonne heure ce que c’est que peine et douleur.

…Exercez-les donc aux atteintes qu’ils auront à supporter un jour.

Avec une gradation lente et ménagée on rend l’homme et l’enfant intrépides à tout.

…Toute méchanceté vient de faiblesse ; l’enfant n’est méchant que parce qu’il est faible ; rendez-le fort, il sera bon ; celui qui pourrait tout ne ferait jamais de mal. De tous les attributs de la Divinité toute-puissante, la bonté est celui sans lequel on la peut le moins concevoir.

Loin d’être attentif à éviter qu’Emile ne se blesse, je serais fort fâché qu’il ne se blessât jamais et qu’il grandît sans connaître la douleur. Souffrir est la première chose qu’il doit apprendre, et celle qu’il aura le plus grand besoin de savoir.

…Au lieu de le laisser croupir dans l’air usé d’une chambre, qu’on le mène journellement au milieu d’un pré. Là, qu’il coure, qu’il s’ébatte, qu’il tombe cent fois le jour, tant