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jean-jacques rousseau

troublée et des orages, pour une partie, sentimentaux, allaient le faire sortir de sa Thébaïde. Il se brouillait avec son hôtesse, Mme d’Epinay, et déménageait dans une autre petite maison de la forêt de Montmorency, à Montlouis, puis à Montmorency même, où de très grands seigneurs, le maréchal et la maréchale de Luxembourg, lui offraient l’hospitalité la plus délicate.

Beau sujet de plus aux médisances envieuses des gens de lettres, qui ne manquaient pas de s’égayer âprement sur ce solitaire, cet homme de la nature, ce contempteur de la société, qui prenait gîte chez les maîtres, ou de la finance, ou de la cour ! Rousseau souffrait lui-même de ces contradictions ; mais il ne pouvait se défendre de répondre avec une affection reconnaissante aux bienfaits des nobles amis qui lui témoignaient une bonté paternelle. Dans les quatre à cinq ans qu’il passa sous leur aile, il écrivit ses œuvres capitales : avec La nouvelle Héloïse, qu’il y acheva, la Lettre à d’Alembert sur les Spectacles, le Contrat social et l’Emile.

Dans sa pensée, ce devait être le terme de sa carrière littéraire. Il avait compté que l’Emile et le Contrat lui vaudraient un capital de 8 à 10.000 francs, qu’il placerait en rente viagère sur sa tête et sur celle de sa Thérèse. Après quoi, il irait vivre au fond d’une province, en écrivant à loisir les « Mémoires de sa vie ». Il voulait faire de ceux-ci « un ouvrage unique par une véra-