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discours sur l’origine de l’inégalité
REVERIES DU PROMENEUR SOLITAIRE


Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n’y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections, qui s’attachent aux choses extérieures, passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé, qui n’est plus, ou préviennent l’avenir, qui souvent ne doit point être : il n’y a rien là de solide à quoi le cœur se puisse attacher. Aussi n’a-t-on guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure, je doute qu’il y soit connu. A peine est-il, dans nos plus vives jouissances, un instant où le cœur puisse véritablement nous dire : Je voudrais que cet instant durât toujours. Et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet