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du contrat social

je méditais depuis longtemps, dont je m’occupais avec le plus de goût, auquel je voulais travailler toute ma vie, et qui devait, selon moi, mettre le sceau à ma réputation, était mes « Institutions Politiques ». Il y avait treize à quatorze ans que j’en avais conçu la première idée, à Venise… Depuis lors, mes vues s’étaient beaucoup étendues par l’étude historique de la morale (c’est-à-dire, notamment, par son « Discours sur l’Origine de l’Inégalité »). J’avais vu que tout tenait radicalement à la politique, et que de quelque façon qu’on s’y prît, aucun peuple ne serait que ce que la nature de son gouvernement le ferait être ; ainsi cette grande question du meilleur gouvernement possible me paraissait se réduire à celle-ci : quelle est la nature du gouvernement propre à former un peuple le plus vertueux, le plus éclairé, le plus sage, le meilleur enfin ?… J’avais cru voir que cette question tenait de bien près à cette autre-ci : quel est le gouvernement qui, par sa nature, se tient toujours le plus près de la loi ? De là, qu’est-ce que la loi ? et une chaîne de questions de cette importance. Je voyais que tout cela menait à de grandes vérités, utiles au bonheur du genre humain, mais surtout à celui de ma patrie, où je n’avais pas trouvé, dans le voyage que je venais d’y faire (en 1754) les notions des lois et de la liberté assez justes, ni assez nettes à mon gré… »

Il y travailla lentement, plusieurs années, évitant d’en parler à qui que ce fût, même