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du contrat social

la force publique sur la règle de la volonté générale, et qu’une autre pente inévitable enlève aux lois une partie de la puissance exécutive.

Jusqu’ici nous avons considéré le prince comme une personne morale et collective, unie par la force des lois, et dépositaire dans l’état de la puissance exécutive. Nous avons maintenant à considérer cette puissance réunie entre les mains d’une personne naturelle, d’un homme réel, qui seul ait droit d’en disposer selon les lois. C’est ce qu’on appelle un monarque ou un roi.

S’il n’y a point de gouvernement qui ait plus de vigueur, il n’y en a point où la volonté particulière ait plus d’empire et domine plus aisément les autres : tout marche au même but, il est vrai ; mais ce but n’est point celui de la félicité publique, et la force même de l’administration tourne sans cesse au préjudice de l’état.

Les rois veulent être absolus, et de loin on leur crie que le meilleur moyen de l’être est de se faire aimer de leurs peuples. Cette maxime est très belle, et même très vraie à certains égards : malheureusement on s’en moquera toujours dans les cours. La puissance qui vient de l’amour des peuples est sans doute la plus grande ; mais elle est précaire et conditionnelle ; jamais les princes ne s’en contenteront. Les meilleurs rois veulent pouvoir être méchants s’il leur plaît, sans cesser d’être les maîtres.