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du contrat social

éducation leur profite. On ferait mieux de commencer par leur enseigner l’art d’obéir.

…Si l’éducation royale corrompt nécessairement ceux qui la reçoivent, que doit-on espérer d’une suite d’hommes élevés pour régner ? C’est donc bien vouloir s’abuser que de confondre le gouvernement royal avec celui d’un bon roi. Pour voir ce qu’est ce gouvernement en lui-même, il faut le considérer sous des princes bornés ou méchants ; car ils arriveront tels au trône, ou le trône les rendra tels.

La liberté, n’étant pas un fruit de tous les climats, n’est pas à la portée de tous les peuples. Plus on médite ce principe établi par Montesquieu, plus on en sent la vérité ; plus on le conteste, plus on donne occasion de l’établir par de nouvelles preuves.

En effet, plus on y réfléchit, plus on trouve en ceci de différence entre les états libres et les monarchiques. Dans les premiers tout s’emploie à l’utilité commune : dans les aristocratiques les forces publiques et particulières sont réciproques, et l’une s’augmente par l’affaiblissement de l’autre : enfin, au lieu de gouverner les sujets pour les rendre heureux, le despotisme les rend misérables pour les gouverner.

Voilà donc, dans chaque climat, des causes naturelles vers lesquelles on peut assigner la forme de gouvernement à laquelle la force du climat l’entraîne et dire quelle espèce d’habitants il doit avoir.