Page:Rolland - Par la révolution, la paix.djvu/126

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pensée du monde a été si forte que même les plus libres d’entre nous n’ont réussi que lentement, péniblement, à s’en dégager ; et tous n’y sont pas parvenus. Rappelons-nous l’abdication de la plupart pendant la guerre, les indécisions et les contradictions des autres, s’efforçant, même contre l’évidence, de concilier les inconciliables : l’amour de l’humanité et le culte de ces patries guerrières, dont les rivalités sanglantes déchirent l’humanité.

Chacun de nous doit faire son examen de conscience. Pour moi, je le dis franchement, ce n’est que peu à peu, au cours de cette guerre, que le voile s’est déchiré, et j’ai dû reconnaître la somme énorme d’erreurs, de partis-pris et de mensonges accumulés en moi, comme en tous ceux de mon temps, par l’éducation.

Tout est à réviser, comme l’a dit Zoretti, en histoire, en morale, en instruction civique. Particulièrement en histoire. Qu’est-ce que l’histoire ? L’histoire des vainqueurs, d’une nation, d’une classe, d’une tribu, d’un groupe qui l’a emporté, dans la lutte, et qui rabaisse ou qui nie tout ce qui n’est pas soi et les siens, au profit de ses intérêts et de sa vanité !

Dans un curieux livre, paru au lendemain de la guerre, sur la Grèce antique[1], un Allemand d’esprit libre et original, étudiant les précurseurs helléniques du pacifisme actuel, — dont le plus grand fut Périclès, — faisait la remarque que tous les historiens antiques, issus de la classe dirigeante, et les modernes à leur suite, ont faussé, inconsciemment ou non, le récit des événements ; ils ont voilé ou supprimé, ils ont fait disparaître de l’histoire les faits contraires à leurs préférences de classe ou de parti :

  1. D. L. Schulte-Vaerting : Die Friedenspolitik des Perikles, 1919, Ernest Reinhardt, Munich.