Page:Rolland - Vie de Beethoven.djvu/34

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insouciance juvénile. C’est sans doute qu’il faut du temps à l’âme pour s’accoutumer à la douleur. Elle a un tel besoin de la joie que, quand elle ne l’a pas, il faut qu’elle la crée. Quand le présent est trop cruel, elle vit sur le passé. Les jours heureux qui furent ne s’effacent pas d’un coup ; leur rayonnement persiste longtemps encore après qu’ils ne sont plus. Seul et malheureux à Vienne, Beethoven se réfugiait dans ses souvenirs du pays natal ; sa pensée d’alors en est tout imprégnée. Le thème de l’andante à variations du Septuor est un Lied rhénan. La Symphonie en ut majeur est aussi une œuvre du Rhin, un poème d’adolescent qui sourit à ses rêves. Elle est gaie, langoureuse ; on y sent le désir et l’espérance de plaire. Mais dans certains passages, dans l’introduction, dans le clair-obscur de quelques sombres basses, dans le scherzo fantasque, on aperçoit, avec quelle émotion ! dans cette jeune figure le regard du génie à venir. Ce sont les yeux du Bambino de Botticelli dans ses Saintes