Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/16

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L’autre, la tante Alexandra, qui servait toujours les autres, et évitait d’être servie, se passait de domestiques, avait pour occupations favorites la lecture de la vie des saints, les causeries avec les pèlerins et avec les innocents. De ces innocents et innocentes, plusieurs vivaient dans la maison. Une d’elles, une vieille pèlerine, qui récitait des psaumes, était marraine de la sœur de Tolstoï. Un autre, Gricha, ne savait que prier et pleurer…

Ô grand chrétien Gricha ! Ta foi était si forte que tu sentais l’approche de Dieu, ton amour était si ardent que les paroles coulaient de tes lèvres, sans que ta raison les contrôlât. Et comme tu célébrais Sa magnificence, quand, ne trouvant pas de paroles, tout en larmes, tu te prosternais sur le sol !…[1]

Qui ne voit la part que toutes ces humbles âmes ont eue à la formation de Tolstoï ? Il semble qu’en elles s’ébauche et s’essaye le Tolstoï de la fin. Leurs prières, leur amour ont jeté dans l’esprit de l’enfant les semences de foi, dont le vieillard devait voir se lever la moisson.

Sauf de l’innocent Gricha, Tolstoï, dans ses récits d’Enfance, ne parle point de ces modestes collaborateurs qui l’aidèrent à construire son âme. Mais, en revanche, comme elle transparaît au travers du livre, cette âme d’enfant, « ce cœur pur et aimant, tel un rayon clair, qui découvrait toujours chez les autres leurs meilleures qualités »,

  1. Enfance, chap. xii.