Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/44

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même grande loi d’amour et de sacrifice, en regardant ce qu’ils ont fait, ne tombent pas à genoux, repentants, devant Celui qui, en leur donnant la vie, a mis dans l’âme de chacun, avec la peur de la mort, l’amour du bien et du beau ! Ils ne s’embrassent pas, avec des larmes de joie et de bonheur, comme des frères !

Au moment de terminer cette nouvelle, dont l’accent a une âpreté qu’aucune de ses œuvres encore n’avait montrée, Tolstoï se sent pris d’un doute. A-t-il eu tort de parler ?

Un doute pénible m’étreint. Peut-être ne fallait-il pas dire cela. Peut-être ce que je dis est une de ces méchantes vérités qui, cachées inconsciemment dans l’âme de chacun, ne doivent pas être exprimées pour ne pas devenir nuisibles, comme la lie qu’il ne faut pas agiter, sous peine de gâter le vin. Où est l’expression du mal qu’il faut éviter ? Où l’expression du beau qu’il faut imiter ? Qui est le malfaiteur et qui est le héros ? Tous sont bons et tous sont mauvais…

Mais il se ressaisit fièrement :

Le héros de ma nouvelle, que j’aime de toutes les forces de mon âme, que je tâche de montrer dans toute sa beauté, et qui toujours fut, est et sera beau, c’est la Vérité.