Page:Rolland - Vie de Tolstoï.djvu/80

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Sans la connaissance du grec, pas d’instruction !… Je suis convaincu que de tout ce qui, dans le verbe humain, est vraiment beau, d’une beauté simple, jusqu’à présent je ne savais rien[1].

C’est une folie : il en convient. Il se remet à l’école avec une telle passion qu’il en tombe malade. Il doit, en 1871, aller faire une cure de koumiss, à Samara, chez les Bachkirs. Sauf du grec, il est mécontent de tout. À la suite d’un procès, en 1872, il parle sérieusement de vendre tout ce qu’il a en Russie et de s’installer en Angleterre. La comtesse Tolstoï se désole :

Si tu t’absorbes toujours dans tes Grecs, tu ne guériras pas. Ce sont eux qui te valent cette angoisse et cette indifférence pour la vie présente. Ce n’est pas en vain qu’on appelle le grec une langue morte : elle met dans un état d’esprit mort[2].

Enfin, après beaucoup de projets abandonnés, à peine ébauchés, le 19 mars 1873, à la grande joie de la comtesse, il commence Anna Karénine[3]. Tandis qu’il y travaille, sa vie est attristée par des deuils domestiques[4] ; sa femme est malade. « La béatitude ne règne pas dans la maison[5]… »

  1. Corresp. inéd.
  2. Archives de la comtesse Tolstoï (Vie et Œuvre).
  3. Le roman fut terminé en 1877. Il parut — sauf l’épilogue, — dans le Rousski Viestniki.
  4. La mort de trois enfants (18 novembre 1873, février 1875, fin novembre 1875), de la tante Tatiana, sa mère adoptive (20 juin 1874), de la tante Pélagie (22 décembre 1875).
  5. Lettre à Fet, 1er mars 1876.