Page:Rolland Clerambault.djvu/313

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se souvenant de Mme  Mairet, pénétré de pitié, promettait de se taire. — Mais il était trop tard ; on savait ce qu’il pensait : il était la négation, le remords vivant. Et on le haïssait. Clerambault ne leur en voulait plus. Il les eût presque aidés à replâtrer leur illusion.

Quelle passion de foi à l’intérieur de ces âmes qui la sentaient menacée ! Elle avait un caractère de grandeur tragique et pitoyable. Chez les politiciens, elle se compliquait du ridicule apparat de déclamations charlatanesques ; chez les intellectuels, de l’entêtement burlesque de cerveaux maniaques. Mais, malgré tout, on voyait la plaie désespérée ; on entendait le cri d’angoisse qui veut croire, l’appel à l’illusion héroïque. Chez de jeunes cœurs plus simples, cette foi prenait un caractère touchant. Pas de déclarations, pas de prétentions au savoir ; mais une affirmation d’amour éperdu, qui a tout donné, et qui, en retour, attend une seule parole, la réponse : « C’est vrai !… Tu existes, bien-aimée, patrie, puissance divine, toi qui m’as pris ma vie et tout ce que j’aimais ! » On a envie de s’agenouiller au pied de ces pauvres petites robes noires, — mères, épouses et sœurs, — de baiser ces mains maigres qui tremblent de l’espoir et de la peur de l’au-delà, et de leur dire : « Ne pleurez pas ! Vous serez consolées ! »

Oui, mais comment les consoler quand on ne croit pas à l’idéal qui les fait vivre et qui les tue ? — La réponse longtemps cherchée lui était venue maintenant, sans qu’il l’eût vue entrer : « Il faut aimer les hommes plus que l’illusion et plus que la vérité. »