Page:Rolland Clerambault.djvu/348

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son zénith ; et nul doute que si l’invasion avait fait sa trouée, avant qu’elle eût atteint les portes de la Ville, le poteau de Vincennes, cet autel de la Patrie vindicative et menacée, eût reçu ses victimes, innocentes ou coupables, prévenues ou jugées.

Clerambault fut plusieurs fois apostrophé dans la rue. Il ne s’en émouvait pas. Peut-être ne se rendait-il pas très bien compte du danger. Moreau le trouva, un jour, en train de discuter, au milieu d’un groupe de passants, avec un jeune bourgeois à l’air rageur, qui l’avait interpellé d’une façon blessante. Tandis qu’il parlait, on entendit à proximité l’explosion d’un obus de la « grosse Bertha ». Clerambault ne parut pas le remarquer ; et tranquillement il continuait d’exposer au colérique sa façon de penser. Il y avait quelque chose de comique dans cette obstination; et le cercle d’auditeurs qui, en bons Français, le sentirent, échangea des quolibets, pas très polis, mais dépourvus de méchanceté. Moreau prit le bras de Clerambault, pour l’entraîner. Clerambault s’arrêta, regarda les gens qui riaient, saisit à son tour le comique de la situation, et rit avec les autres.

— Quel vieux fou !… Hein ! dit-il à Moreau qui l’entraînait.

— Il y en a d’autres. Qu’il prenne garde ! dit Moreau, assez impertinemment.

Mais Clerambault ne voulait pas comprendre.

L’instruction de son procès venait d’entrer dans une phase nouvelle. Clerambault était inculpé d’infraction à la loi du 5 août 1914, « réprimant les indiscrétions en