Page:Rolland Clerambault.djvu/43

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Mme  Clerambault était rentrée à Paris avec sa fille. Le premier soir après leur arrivée, Clerambault entraîna Rosine sur les boulevards.

Ce n’était plus déjà la solennelle ferveur des premiers jours. La guerre avait commencé. La vérité était coffrée. La grande Menteuse, la Presse, vidait à toute volée sur les nations, gueule bée, l’alcool des victoires sans lendemain et ses récits empoisonnés. Paris était pavoisé, comme pour un jour de fête. Les maisons, de la tête au pied, étaient vêtues des trois couleurs. Dans des rues ouvrières, chaque fenêtre de mansarde avait, fleur à l’oreille, son petit drapeau à un sou.

Au coin du faubourg Montmartre, ils rencontrèrent un étrange cortège. Un grand vieillard à barbe blanche marchait en tête, avec un étendard. Il avançait à longues enjambées, souples et déhanchées, comme s’il allait ou bondir ou danser. Les basques de sa redingote battaient au vent. Derrière, une masse compacte, indistincte, beuglante. Bras dessus bras dessous, ouvriers et bourgeois ; un gosse sur des épaules ; une