Page:Rolland Clerambault.djvu/76

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il évitait de se trouver seul avec elle. Cependant, ils n’avaient jamais été plus rapprochés, d’esprit. Mais il leur en eût trop coûté de se dire pourquoi.

Maxime dut se laisser exhiber aux connaissances du quartier ; on le promena dans Paris, pour le distraire. Malgré ses robes de deuil, la ville avait repris son visage riant. Les misères et les peines se cachaient au foyer, et dans le fond des cœurs fiers. Mais l’éternelle Foire, dans les rues, dans la presse, étalait son masque satisfait. Le peuple des cafés et des salons de thé était prêt à tenir vingt ans, s’il l’eût fallu. Maxime, avec les siens, assis à une petite table de pâtisserie, dans le joyeux papotage et l’arôme des femmes, voyait la tranchée où il venait d’être bombardé, vingt-six jours de suite, sans pouvoir bouger de la fosse gluante et gorgée de cadavres, qui servaient de murailles… La main de sa mère se posa sur la sienne. Il s’éveilla, vit les yeux affectueux des siens qui l’interrogeaient ; il se reprocha d’inquiéter ces pauvres gens ; et souriant, il se mit à lorgner et à parler gaiement. Son entrain de grand gamin était revenu. Le visage de Clerambault, sur lequel avait passé une ombre, s’éclaira de nouveau ; et son regard, naïvement, remerciait Maxime.

Il n’était pourtant pas au bout de ses alertes. Au sortir de la pâtisserie — (il s’appuyait sur le bras de son fils) — ils se croisèrent dans la rue avec un enterrement militaire. Il y avait des couronnes, des uniformes, un vieux de l’Institut, son épée dans les jambes, et des instruments de cuivre qui ronflaient une lamentation héroïque. La foule se rangeait avec recueille-