Page:Rolland Clerambault.djvu/88

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Elle était blonde, grande, mince, les formes d’un adolescent, de jolis cheveux dont les mèches se sauvaient sur les joues, la bouche grande et sérieuse, la lèvre inférieure un peu gonflée aux commissures, les yeux larges, calmes et vagues, les sourcils fins et bien marqués, un menton gracieux. Joli cou, poitrine maigre, pas de hanches ; les mains un peu rouges et grandes, dont les veines étaient gonflées. Rougissant pour un rien. Le charme de la jeunesse était dans le front et le menton. Les yeux interrogeaient, rêvaient, livraient peu.

Son père avait pour elle une prédilection, comme la mère pour le fils : des affinités étaient entre eux. Sans y penser, Clerambault n’avait cessé d’accaparer sa fille, de l’entourer, depuis l’enfance, de son affection absorbante. Il avait fait, en partie, son éducation. Avec la naïveté, parfois un peu choquante, de l’artiste, il l’avait prise pour confidente de sa vie intérieure. Il y était amené par son moi débordant et par le peu d’écho qu’il trouvait en sa femme : cette bonne personne, qui était, comme on dit, à ses pieds, y restait installée ; elle disait oui à tout ce qu’il disait, l’admirait de confiance, mais ne le comprenait pas, et ne s’en apercevait même pas : car l’essentiel n’était pas, pour elle, la pensée de son mari, mais son mari, sa santé, son bien-être, son confort, sa nourriture, sa vêture. L’honnête Clerambault, plein de reconnaissance, ne jugeait pas sa femme, pas plus que Rosine ne jugeait sa mère. Mais leur instinct, à tous deux, savait à quoi s’en tenir et les rapprochait l’un de