Page:Rolland Handel.djvu/155

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hasards de l'inspiration, à telle ou telle situation qui leur convient médiocrement, elles sont pour ainsi dire en quête d’un corps où s’incarner, elles cherchent la situation vraie, le sentiment dont elles sont l’expression latente ; et une fois qu’elles l'ont trouvé, elles s’épanouissent à l’aise[1].

Hændel n’opère pas autrement avec les compositions étrangères qu’il utilise dans les siennes. Si l'on avait la place d’étudier ici ce que les lecteurs superficiels appellent ses plagiats, — et particulièrement, en prenant pour exemple Israël en Égypte, où ces emprunts s’étalent le plus hardiment, — on verrait avec quel génie de visionnaire Hændel a évoqué du fond de ces phrases musicales leur âme secrète, que les premiers créateurs n’avaient pas même pressentie. Il fallait son œil — ou son oreille — pour découvrir dans la Sérénade de Stradella les cataclysmes de la Bible. Chacun lit et entend une œuvre d’art, comme il est, et non pas comme elle est ; et il peut arriver que ce ne soit pas le créateur qui en ait l’idée la plus riche. L’exemple de Hændel est là pour le prouver. Non seulement

  1. Ainsi, la Danse des Asiatiques, dans l’Almira, devient le célèbre Lascia ch’io pianga de Rinaldo ; — ou une mélodie joyeuse et commune du Pastor fido se transfigure en la touchante phrase de la Trauer Ode : « Wessen Ohr sie hörte. »