Page:Rolland Handel.djvu/70

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ce qu'ils avaient : l'intelligence lucide et pénétrante de la véritable nature du drame musical et de ses destinées : — (c’était alors le temps où Lecerf de la Viéville écrivait sa Comparaison de la musique française et de la musique italienne, dont certaines pages annoncent la réforme de Gluck). — Si Hændel était venu en France, je suis convaincu que cette réforme eût été accomplie soixante ans plus tôt, et avec une magnificence de musique que Gluck n'eut jamais. Hændel était familiarisé avec la langue française[1]. Il montra, par la suite, une attraction singulière pour les plus beaux sujets de notre tragédie française[2]. Avec sa prodigieuse souplesse et ses qualités, toutes latines, de clarté de lignes, de raison éloquente, d'amour passionné pour la forme, ce lui eût été un jeu de s'assimiler la tradition de notre art et de la reprendre, avec une vigueur irrésistible[3].

  1. C’était la langue dont il usait dans sa correspondance, même avec sa famille ; et son style, très correct, a la haute courtoisie du style Louis XIV.
  2. Esther, Athalie, Théodore vierge et martyre.
  3. Encore en 1734, Séré de Rieux écrit de Hændel : « Sa composition infiniment sage et gracieuse semble s'approcher de notre goût plus qu'aucune autre, en Europe » (p. 299 des Enfants de Latone, poèmes dédiés au Roi). — Hændel plaisait particulièrement aux Français, parce que son italianisme était dominé par la raison, et que les musiciens français aimaient à croire la raison toute française.

    « Son caractère fort, nouveau, brillant, égal,
    Du sens judicieux suit la constante trace,
    Et ne s'arme jamais d'une insolente audace. » (Ibid., p. 102-3.)