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DES LECTURES POPULAIRES

lectures dramatiques donne des transpositions aussi pâles du théâtre, que les reproductions de tableaux dans les journaux illustrés, ou les transcriptions de symphonies d’orchestre au piano. C’est, il est vrai, ce qu’on nomme populariser, ou vulgariser l’art. Mais si vulgariser est l’équivalent de rendre vulgaire, nous combattons cette démocratisation de la beauté. Nous voulons ranimer l’art exsangue, élargir sa maigre poitrine, faire rentrer en lui la force et la santé du peuple. Nous ne mettons pas la gloire de l’esprit humain au service du peuple ; nous appelons le peuple, comme nous, au service de cette gloire.

Mais nous croyons aussi servir plus utilement le peuple par le théâtre que par les lectures. Les lectures, quel que soit le charme du lecteur, sont encore une forme de l’éducation primaire ou secondaire ; elles interposent des professeurs entre l’art et le public ; elles sont malgré tout dissertantes et prédicantes. C’est bien là le dessein de ceux qui les font. Ils veulent initier graduellement le peuple aux belles choses ; et ils prétendent de plus, avec des scrupules excessifs, lui donner le meilleur du théâtre sans les dangers du théâtre, sans le cabotinage et ses étranges attractions sur la foule. — Or il me semble, d’abord, qu’ils ne font que substituer un cabotinage à un cabotinage : à celui des acteurs, celui des diseurs, bourgeois et bourgeoises désireux d’étaler devant un auditoire complaisant leurs talents d’agrément, leurs monologues, leurs romances, et leurs morceaux de piano. Je ne sais si ce cabotinage vaut mieux ; mais il est certainement plus maladroit, à peu d’exceptions près. Et quant aux précautions pour mettre l’art à la portée du peuple, j’ai été témoin

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