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le théâtre du passé

J’entends parler d’un théâtre du peuple, qui n’ait point de parti, qui soit « illimité comme la vie », éternel, universel. Ce sont de nobles rêves. Les générations futures les réaliseront, si elles peuvent, à la fin des siècles. Pour le moment, tâchons de mettre l’éternité dans chaque minute présente, et de vivre avec le siècle. L’art ne peut s’abstraire des souffrances et des désirs de son temps. Le théâtre du peuple doit partager le pain du peuple, ses inquiétudes, ses espérances et ses batailles. Il faut être franc. Le théâtre du peuple sera aujourd’hui social, ou il ne sera pas. Vous protestez que le théâtre ne doit pas se mêler de politique, et vous êtes les premiers, — je l’ai montré à propos de Tartuffe, — à introduire sournoisement la politique dans vos représentations classiques, afin de tâcher d’y intéresser le peuple. Osez donc avouer que la politique dont vous ne voulez pas, c’est celle qui vous combat. Vous avez senti que le théâtre du peuple allait s’élever contre vous, et vous vous hâtez de prendre les devants, afin de l’élever pour vous, afin d’offrir au peuple votre théâtre bourgeois, que vous baptisez : peuple. Gardez-le : nous n’en voulons pas. « Le nouveau est venu ; l’ancien a passé. »