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MONTEVERDE. 95

lodie, c'est qu'elle est le langage de l'âme, la parole intérieure. Si parfaite que soit l'harmonie, livrée à elle-même, elle ne peut rien exprimer avec précision. Zarlino lui-même l'avoue : « Elle pré- pare et dispose, d'une certaine façon intérieure, au plaisir et à la tristesse; mais elle ne produit elle-même aucun effet précis. » (Inslruct., II, 7.) Il faut donc l'employer, mais non pas pour elle- même, pour un objet plus haut. Loin de faire bon marché des ressources harmoniques (1), Monteverde les double, les enrichit sans cesse ; mais c'est au service de la mélodie, c'est-à-dire de la passion.

Dans ses études de l'expression et ses recherches musicales, il remarque avec surprise le petit nombre de sentiments employés, et il travaille à faire rentrer les autres dans le domaine de l'art. Pour peindre ces passions nouvelles, il faut des couleurs, des rythmes, des moyens nouveaux. Monteverde crée des harmonies, des styles inconnus jusqu'à lui, ou timidement employés. Il y a, dit-il , des ordres entiers de sentiments auxquels la musique est restée étrangère. C'est ainsi qu'elle n'a rendu que deux sur trois des mouvements de l'âme : la tristesse et la paix. La colère, les mouvements violents et passionnés, lui ont échappé. Or c'est là proprement l'élément dramatique. Monteverde travaille à lui trouver l'expression la plus juste dans des essais lyriques, avant d'aborder directement la scène. De là ces « Madrigaux guerriers et amoureux (2) , » écrits dans un rythme nouveau (qu'il nomme

��(1) Pour ses audaces harmoniques, je renvoie à tous les traités spéciaux. Monteverde entre délibérément dans la dissonance , non qu'elle n'ait été constamment employée avant lui (Artusi, II, 40), mais il en généralise l'em- ploi; il la considère comme une mine de ressources pour l'art dramatique, qui ne saurait s'en passer sans se condamner à la monotonie des senti- ments moyens, et à la froide impassibilité néo-grecque. Il emploie libre- ment la septième et la neuvième; il sent le grand effet de la septième diminuée, ce tendre accord, tout pénétré de faiblesse et de langueur. Il module hardiment d'un ton à l'autre ; il mêle les genres et les voix.

(2) « Havendo io considerato le nostre passioni, ed' affettioni del animo, essere tre le principali, cioè, Ira, Temperanza et Humilia ô pupplicatione, corne bene gli migliori Filosofi affermano , anzi la natura stessa de la voce nostra in ritrovarsi alta, bassa et mezzana : et corne l'arte musica lo noti- fica chiaramente in questi tre termini di concitato, molle et temperato , ne havendo in tutte le composition! de passati compositori potuto ritrovare esempio del concitato génère, ma ben si del molle et temperato; génère perô descritto da Platone nelterzo de Rethorica(Repub.?), conquesto parole; Suspice Harmoniam illam quae ut decet imitatur fortiter euntis in praelium, voces atque accentus...; perciô mi posi con non poco mio studio, et fatica per ritrovarlo..., etc. » — « Mi è parso beno il far sapere che da me è nata

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