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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/157

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DÉVELOPPEMENT DE L'OPÉRA ARISTOCRATIQUE EN ITALIE. 143

emploie le style récitatif dans toute sa froideur. Ce sont d'inter- minables mélopées, sans énergie d'accent, sans vérité d'expression, qui alourdissent le poème déjà trop long de Clément IX (1). Ce- pendant Marazzoli avait un joli talent, ingénieux et fin (2), mais de peu d'étoffe et de moins de profondeur. La sève longtemps restée dans le vieil arbre italien commence à s'épuiser ; on sent ici une diminution de la personnalité. Marazzoli n'est plus qu'un agréable faiseur de musiques. Au reste, c'est un compositeur en quelque sorte officiel, — virtuose attaché à Christine de Suède, — et « bussolante » (porteur) d'Urbain VIII.

Il est plus à son aise dans les sujets modernes et de vie mon- daine, comme la comédie de Calderon : Dal Maie il Bene. Il y montre une veine facile, claire, une curiosité des gentillesses harmoniques (3) et instrumentales (4) ; et il achemine tout dou- cement la tragédie lyrique vers le style familier. C'est là surtout qu'est son intérêt historique. Nous le retrouverons au chapitre suivant. Il était fait pour la musique de cour, et c'est là seule- ment qu'il excelle. Il emploie le style récitatif par habitude, et parce que c'est la langue officielle consacrée par l'usage mon- dain au théâtre ; mais on sent qu'il n'y croit plus. Le style réci- tatif est mort, et, suivant la coutume, il n'est jamais si populaire qu'à l'heure où il s'éteint. La mode l'a consacré ; son pompeux ennui le maintient à l'abri de la discussion; les attaques viennent se briser contre sa force d'inertie.

��Il brille d'un dernier éclat dans l'œuvre d'un homme, dont le nom résume l'art du chant dramatique, et le pouvoir prestigieux

��(t) Le sentiment est monotone, mou; l'âme manque de ressort. On remar- que dans la musique un trait vivement reproché à l'opéra français du dix- septième et dix-huitième siècle par les critiques étrangers : l'abus des rythmes de danse, indéfiniment répétés. Chez Marazzoli, la moitié des morceaux sont en passacailles.

(2) Voir le charmant duo de la Vita et de l'Intendimento. Acte I, scène 2.

(3) Voir acte II , scène 1 de Dal Maie il Bene , une curiosité de timbres assez moderne.

(4) Voici l'orchestre du temps de Marazzoli, 1656 : « Harpes, cornemuses, cornetti, cornettoni, chitarre spagnole , chitarre italiane, chitarroni, chitar- rini, clavicordii, delzaine (flûtes), fagotti (bassons), flauti, lire da braccio, lire da gamba, organi, pive (musettes), regali, rebecchini, sordeline da Na- poli, salterii, tiorbe, trombe, tromboni, trombette da Parigi, viole da gamba, viole da braccio, violini, etc. »

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