Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/189

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pittoresque (1), et le développement du style comique (2). Il a de la verve, de l’humour, et un fin sentiment de la nature. Il l’exprime de plus en une langue plus habile et plus nuancée. L’aria prend avec lui sa forme définitive, pour la joie des musiciens et le malheur des poètes; car le « da capo arie » aux trois parties régulières, va maintenant imposer ses lois, ses variations prévues et ses contrastes calculés, à la pensée dramatique. Les situations seront jetées uniformément dans le même moule, et l’opéra va perdre le charme de sa liberté, la spontanéité de son expression dramatique. Gesti a du moins sur son école la supériorité des artistes qui viennent les premiers, et chez qui les formes ne sont pas encore usées. De plus, son orchestration est soignée et donne tort aux théories des critiques qui représentent cet art comme tout à fait en décadence à la fin du dix-septième siècle italien (3).

Avec Gesti, l’opéra vénitien s’est détaché du peuple (4). Il se détache même de l’Italie; il devient cosmopolite; il ne gardera plus longtemps ses caractères nationaux. Art aristocratique, il suivies changements delà mode aristocratique, et quand vient Scarlatti, il se range à sa suite. Après une seconde et courte période de musiciens qui continuent, en les affaiblissant, les traditions de Cavalli et de Gesti, l’opéra de Venise, conduit par ses chefs, Dom. Gabrielli, Grossi et Freschi, se soumettra à la suprématie napolitaine (1680-1700).

Le Théâtre Napolitain (5) avait été le dernier à s’ouvrir à la

(1) Nettuno e Flora, 1666 : La mer. Musique descriptive.

(2) Alessandro, 1662 : Le Miles gloriosus. Le Gobbo. — Disgrazie d’Amore, 1667 : Dispute de Vénus et Vulcain, etc.

(3) Serenata de 1662 : 6 violons, 4 altos violes, 4 ténors violes, 4 basses violes, 1 contrebasse, 1 épinette, 1 grande épinette, théorbe, 1 archiluth. — Pomo d’oro, 1666 : Scène de Junon. 2 cornetti, 3 trompettes, fagotti et regale. Les trompettes concertent avec le chant, à la manière de Haendel.

(4) Les plus célèbres des opéras de Cesti sont la Dori de 1667 (1663, Florence), dont le caractère aristocratique est encore souligné par les éloges adressés dans le prologue à la vie de cour (style de Carissimi), — et Il Pomo d’Oro, joué avec une pompe extraordinaire à la cour de Vienne en 1666. On y remarque la première ouverture-programme qui soit connue (elle expose un des motifs do la partition). Les chœurs sont remarquablement expressifs; ils ont un caractère plus grandiose que d’ordinaire chez Cesti, et les soli sont pénétrants.

(5) On peut consulter, sur la musique à Naples, Florirao, Scuola musicale