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L*OPÉRA EN ALLEMAGNE. 207

rait oublier tant de délicatesse féminine (1), qui se cache souvent sous des apparences de gaucherie, la douleur amoureuse et plain- tive de Madeleine au tombeau de Jésus (2), la volupté débordante du Cantique des Cantiques, avec ses gracieux rythmes de fête , et ses voix enivrées de joie et de jeunesse (3). Comment ne pas ad- mirer la souplesse dramatique de larges scènes, comme le Denier de César, où l'arrogance aigre et railleuse des pharisiens contraste d'une façon si vivante avec la majesté tranquille et sereine de Jésus (4).

Mais de cette richesse de cœur, je ne veux retenir que le calme surprenant et le caractère de fermeté inébranlable. Contemporain de Pascal et de Corneille , il a puissamment éprouvé et rendu les angoisses (5) et les ardeurs héroïques de cette forte époque. On voit dans sa musique les réserves d'énergie et la confiance en soi, que garde l'Allemagne, deux ans à peine après la fin de la guerre qui l'a dévastée. Elle s'incarne en cet homme qui ne sait point douter, qui ne douterait jamais de lui-même et de sa foi, quand tout le reste du monde en douterait (6); en ce musicien dont toute l'œuvre chante, comme un de ses motets (7) :

Oui, cela est certainement vrai.

��D'autres répètent avec moins de puissance cet hymne de foi et de confiance, autour de lui, dans l'Allemagne accablée.

Une des œuvres les plus remarquables de l'époque, est un ora- torio de la Bibliothèque nationale de Paris : Philothea, id est

��(1) Voir le touchant dialogue de Marie et Joseph, dans la 3° partie des Symphoniae Sacrae. 1650 (10 e vol. des Œuvres).

(2) Dialogo per la pascua del nostro Salvatore Giesu Christon con Maria Maddalena, a 4. (14 e vol.).

(3) quam tu pulchra es, et : Veni de Libano, arnica mea, pour ténor, baryton et 2 violons (l r * partie des Symphoniae Sacrae, 1629, 5 a vol.).

(4) Meister, wir wissen dass du wahrhaftig bist, pour 2 sopran. , alto, ténor et basse (3° partie des Symphoniae Sacrae, 1650, 11* vol.).

(5) Herr, wie lang willsl du mein so gar vergessen ? pour 2 sopr., alto, 2 ténors, basse. (Ibid.)

(6) Comparer la phrase citée plus haut, des Musicali ad chorum sacrum, à celle de Monteverde, p. 101. Monteverde, en homme du Midi, a au moins besoin de s'appuyer sur la foule, d'y réchauffer sa foi. Schûtz so suffit à lui-même.

(7) Motet à 6 voix. 1631.

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