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Page:Rolland Les origines du théâtre lyrique moderne.djvu/223

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L'OPÉRA EN ALLEMAGNE. 500

annoncent les recherches assez décadentes de l'instrumentation moderne. Les violons accompagnent Jésus-Christ et les anges; les violettes, la Miséricorde, la Clémence, l'Amour divin, Phi- lothée gémissante; les hautbois, le Monde, Philothée consolée; les trombones , le Juge éternel ; les théorbes et les luths , la sym- phonie joyeuse des filles de Jérusalem, qui s'accompagnent en chantant. La pièce est divisée en cinq actes qui représentent les divers effets de l'Amour divin (1) : 1° dans une âme ingrate et pécheresse; 2° dans une âme pénitente; 3° dans une âme qui commence d'aimer ; 4° dans une âme dont l'amour augmente 5° dans une âme dont l'amour est parfait.

Ainsi qu'il est naturel chez les artistes du Nord, la tristesse y est mieux rendue que la joie. Les larmes de repentir, les angois- ses religieuses, les soupirs de tendresse désolée, les. mains ten- dues vers Dieu, si loin et tant aimé, sont le propre des plus grands maîtres de l'Allemagne, de Bach et de Beethoven. Philothea les annonce dans certaines pages, dont deux ou trois (2) ne sont pas indignes d'eux.

��Cependant l'art allemand, qui s'est soutenu durant la période

(1) Les paroles sont toutes extraites des livres saints, suivant l'habitude des oratorios, conservée jusqu'à Mors et Vita de Gounod. — A de certains moments, l'enfer s'ouvre. On voit même le supplice do Philothea, égorgée, tourmentée. — Les indications de scène sont assez curieuses. Au début, « la Miséricorde et la Bonté s'avancent sur le théâtre; elles apportent couronne, sceptre, manteau et toge; elles ouvrent une fosse au milieu du théâtre. David sort de terre lentement, aidé par Miséricorde et Bonté. Elles le vê- tissent de la toge et du manteau; elles le placent sur un siège, le couron- nent, lui donnent le sceptre. David se lève, s'avance avec elles sur le de- vant du théâtre et fait la révérence. Il commence à chanter. » A la fin, sur les paroles : «.Vanitas Vanitatum... praeter amaro Deum », l'Amour se re- tire; « abjicitur flos, inccnditur stuppa, extinguitur candela, fit suffitus , fit ductus plectro,'effunditur aqua, fit bulla, frangitur vitrum : unum post alte- rura repraesentatur ut simul ultimum cadat, et abrumpatur cantus, et omnes actores evancscant. » — Les costumes ont tous une intention allégorique. « L'Amour divin a cœur ardent en main, flamme au cœur et au chef. Le Monde a « globum in capite, comptus, ornatus, blandus, in manu flabrum, cbirothecas, in occipitio larvam fernineam. » — « Caro vestita ut caupo, in occipitio larva mortualis, ad latus cauda vulpina. » — « Orcus ut mcrcator in capito retrô larva nigra, in pedibus ungulae, in pileo cornua. » — « Chris- tus cum globo coeli in manu, radiis in capite, duobus Angelis comitatus : suaviter et graviter : lentis et parvis passibus. »

(2) Par exemple, le « Peccavi, peccavi , super numerum arenao maris. » (Partie II, scène 2.)

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