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52 LES ORIGINES DU THÉÂTRE LYRIQUE MODERNE.

acteurs, et, pour tout dire, d'un théâtre en liberté, les naïvetés de Vecchi sont plus excusables et moins blessantes. Les scènes étant annoncées à l'avance par un programme, l'auteur a bien le droit de choisir celles qu'il veut développer en musique. Berlioz, dont le nom est naturellement associé à la symphonie dramatique, a été bien moins scrupuleux dans son Roméo, puisqu'il s'agit d'un drame universellement connu , où. il s'est permis de supprimer, ajouter, élaguer à son gré, tantôt décrivant, et tantôt dissertant , de sorte qu'à aucun moment on ne peut retrouver l'équilibre de la pièce.

Il n'en est pas de même dans YAmfi'parnaso. Ici toute irrévé- rence est permise; Vecchi n'a affaire qu'avec les masques habi- tuels de la Commedia dett Arte, connus depuis Burchiello et An- geïo Beolco. Il s'agit du vieux Pantalon , du docteur Gratian, du capitan Espagnol, de Francatrippa et de Frulla. Le public connaît leurs figures; il n'est pas nécessaire d'insister sur leurs aventu- res ; un mot suffît. Tout le monde sait que le pédant bolonais et le barbon de Venise vont être bernés par Lucio, Lelio, et toute la jeunesse de Florence. On s'intéresse plus à l'expression artis- tique qu'au sujet exprimé.

Un prologue ouvre la pièce. Il est prêté par Vecchi au person- nage de Lelio , — ce qui est bien inutile , puisqu'il est déclamé par cinq voix. — La comédie est un peu touffue. Le centre de l'intrigue est l'amour de Lucio et d'Isabella, fille de Pantalone. Ce dernier la destine au pédant Graziano , et tout est déjà prêt pour le mariage. En l'apprenant, Lucio court se jeter dans un précipice ; on le sauve à propos. Isabella , qui se préparait à le suivre dans la mort, lui déclare son amour et lui donne sa main. Ils s'épousent , et, dans la dernière scène, reçoivent le consente- ment forcé et les cadeaux de tous les personnages. Entre temps , le vieux Pantalone se fait rebuffer par la courtisane Hortensia, sous la fenêtre de laquelle il vient bégayer son amour. L'ami de' Lucio, Lelio, poursuit une autre intrigue galante avec la belle Nisa (simple prétexte à madrigaliser ensemble). Le capitan Car- done se croit aimé d'Isabella, qui le berne comme il convient. Le docteur Graziano chante d'absurdes sérénades , et Francatrippa, valet de Pantalon, va emprunter de l'argent pour le mariage aux Juifs, qui le mettent dehors, sous prétexte que c'est le jour du Sabbat.

Tous ces rôles sont écrits dans les patois des personnages. Pan- talon parle vénitien ; Gratian, bolonais; Gardone, espagnol ; Pe- drolino, Zanni et Francatrippa, bergamasque ou milanais; les

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