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la vie de Michel-Ange

l’esprit de l’un doit s’éprendre de l’esprit de l’autre. Ce que je désire, ce que j’apprends dans ton beau visage, ne peut être compris des hommes ordinaires. Qui veut le comprendre doit d’abord mourir.[1]

Et certes, cette passion de la beauté n’avait rien que d’honnête.[2] Mais le sphinx de cet amour ardent et trouble,[3] et chaste malgré tout, ne laissait point d’être inquiétant et halluciné.

À ces amitiés morbides, — effort désespéré pour nier le néant de sa vie et pour créer l’amour dont il était affamé, — succéda par bonheur l’affection sereine d’une femme, qui sut comprendre ce vieil enfant, seul, perdu dans le monde, et fit rentrer dans son âme meurtrie un peu de paix, de confiance, de raison, et l’acceptation mélancolique de la vie et de la mort.

C’était en 1533 et 1534,[4] que l’amitié de Michel-Ange pour Cavalieri avait atteint son paroxysme. En 1535, il commença à connaître Vittoria Colonna.

Elle était née en 1492. Son père était Fabrizio Colonna, seigneur de Paliano, prince de Tagliacozzo. Sa mère, Agnès de Montefeltro, était fille du grand Federigo,

  1. Voir aux Annexes, XVI.
  2. Il foco onesto, che m’arde… (Poésies, L)
    La casta voglia, che ’l cor dentro inflamma… (Ibid., XLIII)
  3. Dans un sonnet, Michel-Ange voudrait que sa peau pût servir à vêtir celui qu’il aime. Il voudrait être les souliers, qui portent ses pieds de neige. — (Voir aux Annexes, XVII)
  4. Surtout entre juin et octobre 1533, où Michel-Ange, revenu à Florence, était éloigné de Cavalieri.
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