Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/119

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
AMOUR

trale à Rome, puis à Naples,[1] sans renoncer d’abord aux pensées du monde : elle ne cherchait la solitude, que pour pouvoir s’absorber dans le souvenir de son amour, qu’elle chanta dans ses vers. Elle était en relations avec tous les grands écrivains d’Italie, avec Sadolet, Bembo, Castiglione, qui lui confia le manuscrit de son Cortegiano, avec l’Arioste, qui la célébra dans son Orlando, avec Paul Jove, Bernardo Tasso, Lodovico Dolce. Depuis 1530, ses sonnets se répandirent dans toute l’Italie et lui conquirent une gloire unique, entre les femmes de son temps. Retirée à Ischia, elle chantait, sans se lasser, son amour transfiguré, dans la solitude de la belle île, au milieu de la mer harmonieuse.

Mais à partir de 1534, la religion la prit tout entière. L’esprit de réforme catholique, le libre esprit religieux qui tendait alors à régénérer l’Église, en évitant le schisme, s’empara d’elle. On ne sait si elle connut à Naples Juan de Valdès ;[2] mais elle fut bouleversée par les prédications de Bernardino Ochino de Sienne ;[3]

  1. Elle avait alors pour conseiller spirituel Matteo Giberti, évêque de Vérone, qui fut un des premiers à tenter la rénovation de l’Église catholique. Le secrétaire de Giberti était le poète Francesco Berni.
  2. Juan de Valdès, fils d’un secrétaire intime de Charles-Quint, et établi à Naples en 1534, y fut le chef du mouvement réformateur. Nobles et grandes dames se groupèrent autour de lui. Il publia de nombreux écrits, dont les principaux furent les Cento e dieci divine considerazioni (Bâle, 1550), et un Aviso sobre las interpretes de la Sagrada Escritura. Il croyait à la justification seulement par la foi, et subordonnait l’instruction par l’Écriture à l’illumination par le Saint-Esprit. Il mourut en 1541. On dit qu’il eut à Naples plus de trois mille adhérents.
  3. Bernardino Ochino, grand prédicateur, et vicaire général des capucins, en 1539, devint l’ami de Valdès, qui subit son influence ; malgré les dénonciations, il continua ses prêches audacieux à
117