Page:Rolland Vie de Michel-Ange.djvu/123

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
AMOUR

l’automne de 1538, et toute construite en Dieu. Vittoria avait quarante-six ans : il en avait soixante-trois. Elle habitait à Rome, au cloître de San-Silvestro in Capite, au-dessous de Monte Pincio. Michel-Ange habitait près de Monte Cavallo. Ils se réunissaient le dimanche dans l’église San-Silvestro au Monte Cavallo. Le frère Ambrogio Caterino Politi leur lisait les épîtres de saint Paul, qu’ils discutaient ensemble. Le peintre portugais François de Hollande nous a conservé le souvenir de ces entretiens dans ses quatre Dialogues sur la Peinture.[1] Ils sont le vivant tableau de cette amitié grave et tendre.

La première fois que François de Hollande alla à l’église San-Silvestro, il y trouva la marquise de Pescara, avec quelques amis, écoutant la lecture pieuse. Michel-Ange n’était point là. Quand l’Épître fut finie, l’aimable femme dit, en souriant, à l’étranger :

— François de Hollande aurait entendu plus volontiers, sans doute, un discours de Michel-Ange que cette prédication.

À quoi François, sottement blessé, répondit :

— Quoi, madame, semble-t-il donc à Votre Excellence que je n’aie de sens pour rien autre et que je ne sois bon qu’à peindre ?

— Ne soyez pas si susceptible, messer Francesco, — dit Lattanzio Tolomei, — la marquise est justement convaincue qu’un peintre est bon à tout. Tant nous estimons la peinture, nous autres Italiens ! Mais peut-être

  1. Francisco de Hollanda : Quatre entretiens sur la peinture, tenus à Rome en 1538–1539, — composés en 1548, — et publiés par Joachim de Vasconcellos. — Traduction française dans les Arts en Portugal, par le comte A. Raczynski, 1846. Paris, Renouard.
121