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fâchaient parfois, en causant avec lui et le faisant chercher », et que, « malgré leurs ordres, il négligeait de venir, quand il n’y était pas disposé ».[1]

Lorsqu’un homme est ainsi fait par la nature et par l’éducation qu’il haïsse les cérémonies et méprise l’hypocrisie, il n’y a pas de bon sens à ne pas le laisser vivre, comme il lui convient. S’il ne vous demande rien et ne cherche pas votre société, pourquoi cherchez-vous la sienne ? Pourquoi voulez-vous l’abaisser à ces niaiseries, qui répugnent à son éloignement du monde ? Celui-là n’est pas un homme supérieur, qui pense à plaire aux imbéciles, plutôt qu’à son génie.[1]

Il n’avait donc avec le monde que les relations indispensables, ou des rapports tout intellectuels. Il ne lui laissait pas accès dans son intimité ; et les papes, les princes, les gens de lettres et les artistes tenaient peu de place dans sa vie. Même avec le petit nombre d’entre eux, pour qui il éprouvait une réelle sympathie, il était rare qu’il s’établît une amitié durable. Il aimait ses amis, il était généreux envers eux ; mais sa violence, son orgueil, ses soupçons lui faisaient souvent de ceux qu’il avait le plus obligés, des ennemis mortels. Il écrivit, un jour, cette belle et triste lettre :

Le pauvre ingrat est ainsi fait, de nature, que si vous lui venez en aide dans sa détresse, il dit que lui-même vous a avancé ce que vous lui donnez. Si vous lui donnez du travail pour lui témoigner votre intérêt, il prétend que vous avez été forcé de lui confier ce travail, parce que vous n’y entendez rien. Tous les bienfaits qu’il reçoit, il dit que le bienfaiteur y a été obligé. Et si les bienfaits reçus sont si évidents qu’il est impossible de les nier, alors l’ingrat attend

  1. a et b François de Hollande : Entretiens sur la peinture.
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