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SOLITUDE

moindre doute dans sa foi. Lors des maladies ou de la mort de son père et de ses frères, le premier de ses soucis fut toujours qu’ils reçussent les sacrements.[1] Il avait une confiance sans bornes dans la prière ; « il y croyait plus qu’en toutes les médecines » ;[2] il attribuait à son intercession tout le bien qui lui était arrivé et le mal qui ne lui était pas arrivé. Il avait, dans sa solitude, des crises d’adoration mystique. Le hasard nous a conservé le souvenir de l’une d’elles : un récit contemporain nous montre le visage extatique du héros de la Sixtine, seul, priant, la nuit, dans son jardin de Rome, et implorant de ses yeux douloureux le ciel étoilé.[3]

    moines ont perdu le monde qui est si grand ; il ne serait donc pas surprenant qu’ils perdissent une petite chapelle. »

    À l’époque où Michel-Ange cherchait à marier son neveu, une dévote vint le trouver : elle lui fit un sermon, l’exhorta à la piété, et lui offrit pour Lionardo une fille pieuse, qui était dans les bons principes. « Je lui ai répondu, écrit Michel-Ange, qu’elle ferait mieux de s’occuper à tisser et à filer, que de tourner ainsi autour des gens, et de faire des marchandages avec les choses saintes. » (Lettres, 19 juillet 1549)

    Il écrivit d’âpres poésies, d’un sentiment savonaroliste, contre les sacrilèges et les simonies de Rome. Ainsi, le sonnet :

    Qua si fa elmj di chalicj e spade,
    E ’l sangue di Christo si vend’ a giumelle…

    « Là, avec les calices, on se fait des épées et des heaulmes ; et le sang du Christ se vend à deux mains… » (Poésies, X, vers 1520)

  1. Lettre à Buonarroto, au sujet d’une maladie de son père. (23 novembre 1516) — Lettre à Lionardo, au sujet de la mort de Giovan Simone. (Janvier 1548) : — « Il me serait agréable de savoir s’il s’est confessé et s’il a bien reçu les sacrements. Si je savais qu’il en était ainsi, je souffrirais moins… »
  2. « Più credo agli orazioni che alle medicine. » (Lettre à Lionardo, 25 avril 1549)
  3. « … En l’an du Seigneur 1513, la première année du pontificat de Léon X, Michel-Ange, qui se trouvait alors à Rome, — et je crois, si je ne me trompe, que c’était en automne, — une nuit, en plein air, dans un jardin de sa maison, priait et levait les yeux au ciel. Soudain, il vit un météore merveilleux, un signe
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