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la vie de Michel-Ange

nière dans un sac de peau et d’os… Mes dents branlent comme les touches d’un instrument de musique… Ma face est un épouvantail… Mes oreilles ne cessent de bourdonner : dans l’une, une araignée tisse sa toile ; dans l’autre, un grillon chante toute la nuit… Mon catarrhe, qui râle, ne me laisse pas dormir… Voilà à quelle fin m’a conduit l’art, qui m’octroya la gloire. Pauvre vieux écrasé, je suis anéanti, si la mort ne vient vite à mon secours… Les fatigues m’ont écartelé, déchiré, brisé, et l’hôtellerie qui m’attend, — est la mort…[1]

« Mon cher messer Giorgio, écrivait-il à Vasari, en juin 1555, vous reconnaîtrez à mon écriture que je suis arrivé à la vingt-quatrième heure… »[2]

Vasari, qui vint le voir au printemps de 1560, le trouva extrêmement affaibli. Il sortait à peine, ne dormait presque plus ; et tout faisait présumer qu’il ne vivrait plus longtemps. En devenant plus faible, il devenait plus tendre et pleurait facilement.

« Je suis allé voir mon grand Michel-Ange, écrit Vasari. Il ne s’attendait pas à ma venue, et m’a témoigné autant d’émotion qu’en éprouverait un père, en retrouvant son fils perdu. Il m’a jeté ses bras autour du cou et m’a embrassé mille fois, en pleurant de plaisir. » (lacrymando par dolcezza)[3]

Il n’avait rien perdu pourtant de sa lucidité d’esprit et de son énergie. Dans cette même visite que raconte Vasari, il causa longuement avec lui de divers sujets

  1. Traduction libre : — (Voir aux Annexes, XXVIII) (Poésies, LXXXI)
  2. Lettre à Vasari. (22 juin 1535) — « Non seulement je suis vieux, écrivait-il déjà à Varchi, en 1549, mais je compte parmi les morts. » (Non solo son vecchio, ma quasi nel numéro de’ morti.)
  3. Lettre de Vasari à Cosme de Médicis. (8 avril 1560)
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