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MICHEL-ANGE

tant d’espoirs orgueilleux et de tourments, les uns, — (le carton de la guerre de Pise, la statue de bronze de Jules II), — furent détruits de son vivant ; les autres, — (le tombeau de Jules II, la chapelle des Médicis), — avortèrent piteusement : caricatures de sa pensée.

Le sculpteur Ghiberti raconte, dans ses Commentaires, l’histoire d’un pauvre orfèvre allemand du duc d’Anjou, « qui était l’égal des statuaires antiques de la Grèce », et qui, à la fin de sa vie, vit détruire l’œuvre à laquelle il avait consacré sa vie. — « Il vit alors que toute sa fatigue avait été inutile ; et, se jetant à genoux, il s’écria : « Ô Seigneur, maître du ciel et de la terre, toi qui fais toutes choses, ne me laisse plus m’égarer et suivre d’autres que toi ; aie pitié de moi ! » Et aussitôt, il donna tout ce qu’il avait aux pauvres, se retira dans un ermitage, et y mourut… »

Comme le pauvre orfèvre allemand, Michel-Ange, arrivé à la fin de sa vie, contempla amèrement sa vie vécue en vain, ses efforts inutiles, ses œuvres inachevées, détruites, inaccomplies.

Alors, il abdiqua. L’orgueil de la Renaissance, le magnifique orgueil de l’âme libre et souveraine de l’univers, se renia avec lui « dans cet amour divin, qui, pour nous prendre, ouvre ses bras sur la croix ».

Volta a quell’ amor divino
C’aperse a prender noi ’n croce le braccia.[1]

Le cri fécond de l’Ode à la Joie ne fut pas poussé. Ce

  1. Poésies, CXLVII.
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