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LA FORCE QUI SE BRISE

compris sa faiblesse de volonté, prenant au besoin sa défense contre lui-même, et l’empêchant de se disperser en vain. Même après la révolte de Florence et la rébellion de Michel-Ange, Clément ne changea rien à ses dispositions pour lui.[1] Mais il ne dépendait pas de lui d’apaiser l’inquiétude, la fièvre, le pessimisme, la mortelle mélancolie, qui rongeaient ce grand cœur. Qu’importait la bonté personnelle d’un maître ? C’était toujours un maître !…

« J’ai servi les papes, disait Michel-Ange, plus tard mais ce fut par contrainte. »[2]

Qu’importait un peu de gloire et une ou deux belles œuvres ? Cela était si loin de tout ce qu’il avait rêvé !… Et la vieillesse venait. Et tout s’assombrissait autour de lui. La Renaissance mourait. Rome allait être saccagée par les Barbares. L’ombre menaçante d’un Dieu triste allait peser sur la pensée de l’Italie. Michel-Ange sentait venir l’heure tragique ; et il souffrait d’une angoisse étouffante.

Après avoir arraché Michel-Ange à l’inextricable entreprise où il était embourbé. Clément VII résolut de lancer son génie dans une nouvelle voie, où il avait l’intention de le surveiller de près. Il lui confia la

  1. « Il adore tout ce que vous faites, écrit Sébastien del Piombo à Michel-Ange ; il l’aime autant qu’on peut aimer. Il parle de vous si honorablement, et avec tant d’affection, qu’un père ne dirait pas de son fils tout ce qu’il dit de vous… » (29 avril 1531) — « Si vous vouliez venir à Rome, vous seriez tout ce que vous voudriez, duc ou roi… Vous auriez votre part de cette papauté, dont vous êtes le maître, et dont vous pouvez avoir et faire ce que vous voulez. » (5 décembre 1531)

    (Il faut, à la vérité, faire la part, dans ces protestations, de la hâblerie vénitienne de Sébastien del Piombo.)

  2. Lettre de Michel-Ange à son neveu Lionardo (1548).
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