Page:Romains - Les Copains.djvu/116

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

patronne, d’une voix qui arrivait de loin, par-dessus sa poitrine et son ventre.

— Je veux, dit Bénin, un grog au rhum.

— Tiens ! moi aussi.

— Je ne connais pas ça messieurs…, mais j’ai de la fine que je ne vous dis que ça.

— Donnez de la fine !

Les copains regardèrent autour d’eux.

— On est admirablement bien ! Nous ne sommes ici que depuis cinq minutes, et rien ne nous est étranger. Tu ne peux pas te figurer comme je trouve légitime ce calendrier offert par la maison Brizard, ni à quel point j’éprouve la nécessité de ces deux paires de rideaux rouges.

— Et le village ! dit Broudier. Il n’est pas absent d’ici. Je t’affirme qu’il est doux, léger, et prodigieusement poreux à la clarté de la lune. Je le sens autour de nous avec le plaisir que doit avoir un oiseau à sentir son duvet. Imagines-tu comme la nature serait trop proche, inquiétante, comme la nuit serait hérissée, si nous n’avions pas d’abord ce village tout contre nous ?