Page:Romains - Les Copains.djvu/237

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Martin, qui avait le reste, ne dit rien.

La file reprit son mouvement.

C’était une sente très étroite qui s’insinuait dans la forêt, comme la raie de Bénin dans ses cheveux. Couverte d’une herbe rude et longue, des ronces, des fougères l’envahissaient à demi. On y heurtait des racines, des chicots et des saillies de roc. Parfois tout devenait mou et faisait un bruit de gencives. Le pas était absorbé par quelque chose de spongieux. Une minute après, on sentait de l’eau dans ses chaussures, et un arbuste vous chipait votre chapeau.

Des deux côtés, la forêt bourrue, et l’ombre immédiate. Des sapins exubérants, jamais taillés, branchus du pied au faîte, s’écrasaient les uns sur les autres, se rentraient les uns dans les autres. On n’aurait pu s’y mouvoir qu’en rampant. Bien que le soleil fût encore loin d’être couché, il faisait nuit noire là-dessous. Les bruits, il devait y en avoir, une course de bête, un chant d’oiseau ; mais ils ne traversaient pas cette