Page:Romains - Les Copains.djvu/96

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pérances ; et il fut heureux qu’un voyageur enfin montât dans son compartiment. C’était un journalier. Mais Bénin jubila sans mesure quand il comprit que le journalier était saoul.

— Quel homme ! Saoul à sept heures trente du matin ! Ne serait-ce pas le recordman du monde ?

Bénin le circonvenait du regard.

Le journalier, ayant la lucidité surnaturelle des ivrognes, devina la pensée de Bénin, et y répondit :

— Je viens de m’appuyer un kil à seize. N’y a rien de pareil pour un homme de mon âge. Tout ne me réussit pas. On m’a dit de prendre du chocolat le matin. Mais, sauf votre respect, je le dégueulais. Ça n’est pas propre d’abord. Et puis, dans ces conditions-là, ça ne profite pas.

L’haleine de l’ivrogne, large et nourrie comme sa pensée, devint l’atmosphère même du compartiment. Tout se soumit aux lois de l’ivresse. Il fut évident que les oscil-