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DES ODES.

Mais luy qui reſembloit ſon pere courageux,
Ne pouuant endurer leurs propos outrageux,
Premier les aſſaillit & leur donna la fuite,
Ayant pris à Beuuais Bauo pour ſa conduite.
Preſques vn an entier contre eux il batailla,
Et mille fois en proye à la mort ſe bailla,
Tant il y eut de peine, ains que Francus en France
Semaſt de tes ayeux la premiere naiſſance !
De ce vaillant Francus les faits ie deſcrirois
Et apres ſes vertus les vertus ie dirois
Des Rois iſſus de luy, qui iuſqu'aux Pyrenées
En iuſqu'aux bords du Rhin les Gaules ont bornées,
Et braues ſe ſont faits par l'effort de leurs mains
De tributaires francs des Empereurs Romains.
Apres de pere en fils par vne meſme trace
Ie viendrois aux Valois les tiges de ta race.
Mais quand remply d'ardeur ie chanterois de toy,
Vn eſprit plus qu'humain me rauiroit de moy,
Et rien ſinon Phœbus & ſa fureur diuine
Ne pourroit reſpirer ma bouillante poitrine:
Ie m'irois abreuuer és ruiſſeaux Pegaſins,
Et m'endormant à part dans leurs Antres voiſins,
Ie ſongerois comment les Françoiſes Charites,
Hautes egaleroient mes vers à tes merites:
Et peut eſtre qu'vn iour ie te dirois ſi bien,
Que l'honneur d'vn Achille auroit enuie au tien,
" En vain certes en vain les Princes ſe trauaillent,
" En vain pour triompher l'vn à l'autre bataillent,
" Si apres cinquante ans fraudez de leur renom
" Le peuple ne ſçait point s'ils ont veſcu ou non.
Ce n'eſt rien (mon grand Roy) d'auoir Bolongne priſe,
D'auoir iuſques au Rhin l'Allemagne conquiſe,

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