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DES ODES.

Se battre l’Afrique & l’Europe.
L’Afrique auoit le poil retors
A la Moreſque creſpelée,
Les léures groſſes aux deux bords,
Les yeux noir, la face halée.
Son habit ſembloit s’allonger
Depuis les Colonnes d’Eſpaigne
Iuſqu’au bord du fleuue eſtranger
Qui de ſes eaux l’Egypte baigne.
En ſon habit eſtoient grauez
Maint ſerpent, maint lion ſauuage,
Maint trac de ſablons eſleuez
Autour de ſon bouillant riuage.
L’Europe auoit les cheueux blonds,
Son teint ſembloit aux fleurs décloſes,
Les yeux verds, & deux vermeillons
Courronnoient ſes léures de Roſes.
Sur ſa robe furent portrais
Maints ports, maints fleues, maintes iſles,
Et de ſes plis ſourdoient eſpais
Les murs d’vn milion de villes.
De tels veſtements triomphans
Ces terres furent accouſtrées
La nuict qu’elles tiroient l’enfant
Par force deuers leurs contrées.
L’Europe le vouloit auoir,
Diſant qu’il eſtoit nay chez elle,
Et que ſien eſtoit par deuoir
Comme à ſa mere naturelle.
L’Afrique en courroux reſpendoit
Qu’il eſtoit ſien par deſtinée,
Et que ia du ciel l’attendoit

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