Page:Ronsard - Œuvres complètes, Garnier, 1923, tome 1.djvu/190

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Lors ses cheveux vergongneuse arracha, Et en pleurant sa face elle cacha, Tant la beauté des beautez luy ennuyé : Puis ses soupirs parmy l’aer se suivans, Trois jours entiers enfantèrent des vens, Sa honte un feu, et ses yeux une pluye.


MURET De ses cheveux.) Quelquefois sur le poinct du jour sa dame s’estoit mise à la fenestre, estant encore toute eschevelée. Advint que le temps, qui au-paravant estoit clair et serain, soudainement se change [a] : tellement qu’il se prit à venter, à esclairer, à pleuvoir. Le Poëte dit, que ce fut l’Aurore, qui voyant les cheveux de Cassandre estre plus beaux que les siens, en eut honte et despit : Tellement que de sa rougeur furent engendrez les esclairs : des soupirs qu’elle en getta, naquirent les vents : et les pleurs qu’elle en respandit, furent cause de la pluye.


XCVI

Pren ceste rose aimable comme toy,
Qui sers de rose aux roses les plus belles,
Qui sers de fleurs aux fleurs les plus nouvelles,
Qui sers de Muse aux Muscs et à moy.
Pren ceste rose, et ensemble reçoy
Dedans ton sein mon cœur qui n’a point d’ailes :
Il vit blessé de cent playes cruelles,
Opiniastre à garder trop sa foy.
La rose et moy différons d’une chose :
Un Soleil voit naistre et mourir la rose,
Mille Soleils ont veu naistre m’amour